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Client Alert

Réforme du droit des actions de groupe

May 22, 2025
La nouvelle loi facilite l’accès des justiciables aux actions de groupe, ce qui devrait susciter une augmentation de leur utilisation dans les années à venir.

La réforme s'inscrit dans le cadre de la loi DDADUE (loi n° 2025-391 du 30 avril 2025), entrée en vigueur le 3 mai 2025, qui adapte le droit national à plusieurs évolutions du droit de l'Union en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

Cette évolution vise également à améliorer l'efficacité des actions de groupe, notamment en harmonisant les différents régimes existants en droit français et en élargissant leur champ d'application et la liste des demandeurs potentiels.

Cette Client Alert résume les principaux apports de la réforme.

Contexte

Le législateur français appelait de ses vœux cette réforme depuis plusieurs années, suite aux résultats estimés décevants du mécanisme d'action de groupe introduit en droit français en 2014Rapport d'information n°3085 sur le bilan et les perspectives des actions de groupe du 11 juin 2020 - Assemblée Nationale, page 6.. L'ambition initiale en 2014 était d'offrir un recours collectif efficace aux consommateurs pour un meilleur accès à la justice, tout en prévenant les abus.

Toutefois, seulement une trentaine d'actions collectives ont été intentées depuis 2014, dont la plupart ont échoué ou ont fait l’objet de règlements amiables. Plusieurs difficultés avaient alors été identifiées, notamment les conditions restrictives de lancement des actions, les procédures longues et complexes, les difficultés à quantifier les dommages et la réticence des tribunaux.

Une proposition de loi visant à simplifier et à harmoniser le processus avait été faite, mais sans parvenir à son terme. Toutefois, la directive européenne 2020/1828 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs a permis de réexaminer la question.

Un accès aux actions de groupe facilité

Harmonisation des actions de groupe et extension de leur objet

Le nouveau texte vient harmoniser les actions de groupe, en prévoyant une procédure commune à toutes ces actionsL’action de groupe est définie comme une action exercée « pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d’un même manquement ou d’un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par une personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par une personne morale de droit public ou par un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public » – Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 I, A, al. 1..

Ainsi, les différents régimes procéduraux existants en droits de la consommation, de l’environnement, du travail ou encore en matière de protection des données à caractère personnel et en matière de discrimination se trouvent unifiés.

À ce titre, l’action de groupe pourra désormais poursuivre une double finalité puisqu’elle pourra être exercée « afin d’obtenir soit la cessation du manquement (…), soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement, soit la satisfaction de ces deux prétentions »Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 I, A, al. 2..

Elargissement de la liste des personnes ayant qualité à agir

L’un des principaux apports de la loi est aussi d’ouvrir les actions de groupe à un ensemble d’acteurs qui n’en bénéficiaient pas jusqu’alorsLoi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 I, C.. Outre les associations agréées à cette fin, dont la liste sera mise à la disposition du public, les actions de groupe peuvent désormais être exercées par :

  • des associations à but non lucratif non agréées régulièrement déclarées et actives depuis plus de deux ans s’agissant des actions tendant à la seule cessation d’un manquement ;
  • certaines organisations syndicales ;
  • le ministère public, lequel peut (i) agir en qualité de partie principale (mais en cessation de manquement seulement) et (ii) intervenir en qualité de partie jointe dans toute action de groupe ; et
  • les entités qualifiées européennes : celles-ci doivent justifier de leur inscription sur la liste publiée au Journal officiel de l’Union européenne et peuvent intenter des actions représentatives transfrontières en France, pour protéger les intérêts collectifs des consommateurs européens.

Un financement facilité, à des conditions de transparence et d’impartialité

La loi autorise expressément le financement de l’action par des tiers, à condition toutefois qu’il « n’ait ni pour objet ni pour effet l’exercice par ces tiers d’une influence sur l’introduction ou la conduite d’actions de groupe susceptible de porter atteinte à l’intérêt de personnes représentées »Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 I, D : le texte prévoit que les conditions de financement seront précisées par décret.. Un tel financement devra être rendu public.

Nouveautés procédurales

Afin de rendre la procédure plus efficace, la nouvelle loi instaure des « tribunaux judiciaires spécialement désignés » pour traiter des actions de groupe. Ceci devrait permettre d’harmoniser les décisions rendues et les délais de traitement des affaires.

En matière de délais, à l’exception des actions de groupe fondées sur le code du travail, aucune mise en demeure préalable ne sera exigée en préalable à l’instance.

Par ailleurs, lorsque l’action tend à la cessation d’un manquement, le demandeur ne sera pas tenu d’établir un préjudice subi par les membres du groupe, pas plus que l’intention ou la négligence du défendeur.

Quant aux suites de l’instance, le juge devra ordonner des mesures de publicité visant à informer le public concerné du succès ou de l’échec de l’action, et ce à la charge, le cas échéant, du demandeur ou du défendeur.

Concernant la preuve du préjudice allégué, à défaut de précision dans le texte nouveau, l’action sera soumise au droit commun en la matièreNotamment les articles 1353 à 1386-1 du Code civil..

En principe, c'est aux parties elles-mêmes qu'appartient la charge de la preuve et plus précisément, c'est à la partie qui allègue un fait de le prouverCode de procédure civile, article 9.. La preuve se fait par tout moyen mais doit répondre à certains principes (le juge met en balance le droit à la preuve et les principes de loyauté et de licéité de la preuveVoir notre Client Alert à ce sujet.). Le juge peut jouer un rôle important dans la recherche de preuve si une partie ne parvient pas à l'obtenir par elle-même, avec le pouvoir d’ordonner toute mesure d'instruction légalement admissibleCode de procédure civile, article 10. et d’enjoindre sous certaines conditions aux parties ou aux tiers de produire les documents en leur possessionCode de procédure civile, article 11. qu'il estime nécessaire à la solution du litige.

Une publicité accrue

Autre innovation notable, la création d’un registre public des actions de groupe en cours devant les es juridictionsLoi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 IV.. Il sera mis à la disposition du public par le Ministère de la justice, dans des conditions à fixer par décret.

Création d’une sanction civile

La réforme introduit une « sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels » lorsqu’une personne sera « reconnue responsable d'un manquement aux obligations légales ou contractuelles afférentes à son activité professionnelle ».

Cette amende civile sera applicable lorsque l’auteur de la faute aura délibérément causé un dommage « en vue d’obtenir un gain ou une économie indu »Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 XI..

Le montant de la sanction sera proportionné à la gravité de la faute et au profit que son auteur en a retiré. Il pourra représenter jusqu’au quintuple du profit réalisé s’il s’agit d’une personne morale. Ce risque n’est pas assurable.

Les sommes versées au titre de l’amende civile seront reversées à un fonds consacré au financement des actions de groupe.

Application de la réforme aux actions intentées après le 2 mai 2025

La réforme sera applicable aux actions intentées après la publication de la loi intervenue le 2 mai 2025Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, article 16 XVII, F., la sanction civile n’étant cependant applicable qu’aux instances pour lesquelles le fait générateur de responsabilité est postérieur à la publication de la loi.

Quant aux actions de groupe en cours et introduites avant la réforme, elles restent soumises aux anciennes dispositions.

Les auteurs remercient Victor Demay pour sa contribution à cette Client Alert.

Endnotes

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