The Alexander III Bridge across river Seine in Paris, France.
Client Alert

La France s’aligne sur Bruxelles pour reporter le calendrier de la CSRD

May 19, 2025
La loi DDADUE 5 a été promulguée, venant aligner la France avec la position de l’Union européenne pour modifier les échéances d’application de la Corporate Sustainability Reporting Directive et introduire quelques assouplissements.

Premier pays à avoir transposé la Corporate Sustainability Reporting Directive (la CSRD ou la Directive) par l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d'informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d'entreprise des sociétés commerciales (l’ Ordonnance)., la France a imposé un reporting de durabilité, applicable dès le 1er janvier 2024 aux grandes entreprises cotées (voir notre Client Alert). À cette date, la France est l’un des premiers États membres à transposer la Directive, mais aussi l’un des rares États membres à exiger un rapport de durabilité basé sur les données de l'exercice 2024 pour les société cotées, ce qui introduit un certain déséquilibre sur le marché européen.

Face à la complexité croissante des exigences et aux critiques sur le calibrage du texte, notamment la lourdeur des données à collecter (plus de 1000 indicateurs requis pour certaines entreprises), les autorités françaises et européennes ont récemment opté pour un report des échéances. Ce recul, officialisé début 2025 (voir notre Client Alert), s’explique par une volonté de simplification des obligations, afin de mieux accompagner les entreprises dans cette transition.

Le 10 mars 2025, le Sénat a examiné un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dit DDADUE 5Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, 17e législature.. Après discussion en séance publique, les sénateurs ont voté un report de 4 ans pour l’obligation de publication d’un rapport de durabilité – un report dépassant le calendrier prévu par le mécanisme « stop the clock » à l’échelle européenne.

Rediscuté en Commission Mixte Paritaire (CMP) le 31 mars 2025, le projet de loi DDADUE 5 précédemment adopté par le Sénat, a été modifié en son article 7A afin que soit trouvé « un équilibre entre, d'une part, le respect des engagements européens et la nécessité de transparence des entreprises et, d'autre part, la réduction des contraintes auxquelles elles sont confrontées et la concurrence déloyale à laquelle elles risqueraient d'être exposées alors que tous les pays européens n'ont pas transposé la directive », selon Danielle Brulebois, rapporteure pour l’Assemblée Nationale.

Définitivement voté par l’Assemblée Nationale et le Sénat les 2 et 3 avril 2025, le projet de loi a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel le 8 avril 2025 par les groupes écologistes et insoumis.

Le Conseil Constitutionnel, bien qu’il n’ait pas été consulté sur l’article intéressant le report de l’information de durabilité, a rendu un avis conforme le 29 avril 2025Conseil Constitutionnel, Décision n° 2025-879 DC du 29 avril 2025., entraînant la promulgation de la loi le 30 avril 2025 et sa publication au journal officiel de la République française le 2 mai 2025JORF n° 0103 du 2 mai 2025..

Un Report de Deux Ans Aligné Sur les Dynamiques Européennes

Le projet de loi omnibusDirective du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/43/CE, 2013/34/UE, (UE) 2022/2464 et (UE) 2024/1760 en ce qui concerne certaines obligations d'information et de diligence raisonnable des entreprises en matière de développement durable, Bruxelles, 26 février 2025., présenté par la Commission européenne le 26 février 2025, a ouvert la voie à la proposition dite « stop the clock » visant à reporter de deux ans la mise en œuvre de la CSRD pour certaines catégories d’entreprises (deuxième et troisième vagues), afin de leur laisser plus de temps pour se conformer aux nouvelles normes.

Le vote du Parlement européen du 3 avril 2025Parlement européen Actualité, Durabilité et devoir de vigilance : les députés approuvent le report des nouvelles règles, 3 avril 2025., qui a approuvé à une large majorité ce report (531 voix pour, 69 contre), constitue une étape clé dans ce processus législatif, validant ainsi formellement la proposition intégrée dans la loi omnibus. Le Conseil de l’UE s’est à son tour chargé d’adopter la directive le 14 avril 2025, publiée au journal officiel de l’UE le lendemain.

Côté français, le principal changement validé par la CMP concerne le report de l'entrée en vigueur de la Directive. Initialement envisagé pour quatre ans dans la version sénatoriale du texte, ce report a été ramené à deux ans, en cohérence donc avec Omnibus I et le vote du 3 avril 2025 à Strasbourg.

Cette harmonisation vise à maintenir une cohérence réglementaire à l'échelle européenne, tout en offrant un délai supplémentaire pour les entreprises concernées afin d'adapter leurs processus de collecte et de publication des données ESG.

De Nouveaux Délais de Reporting

Ce report de deux ans s’applique pour les entreprises des vagues 2 et 3.

La deuxième vague inclut notamment les grandes entreprises cotées ou non cotées et entreprises mères de grands groupes (y compris les émetteurs de pays tiers). Ce sont des entreprises « qui ne sont pas des entités d'intérêt public dépassant le nombre moyen de 500 salariés sur l'exercice » et répondent à au moins deux des trois critères suivants : (i) ont plus de 250 salariés, (ii) possèdent un bilan supérieur à €25 millions, et/ou (iii) génèrent un chiffre d'affaires supérieur à €50 millions.

Les entreprises de la deuxième vague devraient publier un rapport de durabilité (état de durabilité individuel ou consolidé selon les cas) afférent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2027 (au lieu de 2025), et donc une publication du rapport en 2028 au lieu de 2026.

La troisième vague inclut les PME cotées, les « établissements de petite taille et non complexes », et les « entreprises captives d’assurance et de réassurance » (y compris les émetteurs de pays tiers).

Les entreprises de la troisième vague devraient publier un rapport de durabilité afférent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2028 (au lieu de 2026), soit une publication du rapport de durabilité en 2029, au lieu de 2027.

Toutefois, rien ne change pour les entreprises de la première vague. Les entreprises de cette vague sont les grandes entreprises qui vérifient les seuils de la Non-Financial Reporting Directive et les entreprises d’intérêt public européennes et sociétés non européennes cotées sur un marché réglementé européen, employant plus de 500 salariés et qui (i) possèdent un bilan supérieur à €25 millions, et/ou (ii) génèrent un chiffre d'affaires supérieur à €50 millions, et publient leurs premiers rapports cette année. Les entreprises de pays tiers de la quatrième vague qui devront publier leurs informations de durabilité à compter de 2029 (sur l'exercice 2028) ne sont également pas concernées.

Le second projet de directive omnibus, toujours en cours de négociation, propose des réformes substantielles qui pourraient soustraire de nombreuses entreprises du champ d'application de la directive Corporate Sustainability Due Diligence et de l'impact de la directive CSRD. Lors des négociations de la loi DDADUE 5, les parlementaires français ont constaté que les discussions européennes sont loin d'être achevées. Selon eux, il est prématuré d'anticiper le résultat de ces discussions, et par conséquent, les dispositions concernées seront incluses dans un prochain projet de loi DDADUE.

Des Assouplissements Introduits pour la Communication des Informations de Durabilité

L’Omission Temporaire de Certaines Exigences

Les grandes entreprises ainsi que les sociétés consolidantes de grands groupes (première vague) pourront omettre certaines informations prévues dans l'Appendice C de la norme ESRS 1 pendant les trois premiers exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, en application de l’article 7 de la loi DDADUE 5, modifiant l’article 33 de l’Ordonnance. 

Pour rappel, l’Appendice C liste certaines exigences de publication (disclosure requirements) des normes ESRS et leurs dates d’entrée en vigueur, en détaillant les informations que les entreprises peuvent omettre dans leur déclaration. L’objectif est d’opérer une montée en charge progressive, sans pénaliser les entreprises en phase d'appropriation des nouvelles obligations.

Cependant, la loi DDADUE 5 ne modifie pas l’exigence de vérification annuelle par un commissaire aux comptes (CAC) ou un organisme tiers indépendant (OTI) du rapport de durabilité.

La Confidentialité de Certaines Données Sensibles

L’article 7 de la loi DDADUE 5 modifie également l’article L. 232-23 du code de commerce en permettant aux sociétés assujetties d'omettre du rapport déposé au greffe du tribunal de commerce certaines informations jugées sensibles sur le plan concurrentiel, à condition que :

  • l’omission soit dûment motivée par l'organe de direction (conseil, directoire, gérance) ;
  • la publication des informations en matière de durabilité soit de nature à nuire gravement à la position commerciale de la société ;
  • l’omission ne fasse pas obstacle à la compréhension juste et équilibrée de la situation de la société et des incidences de son activité ;
  • les informations soient transmises à l'Autorité des marchés financiers (AMF), bien qu'elles ne soient pas rendues publiques.

Endnotes

    This publication is produced by Latham & Watkins as a news reporting service to clients and other friends. The information contained in this publication should not be construed as legal advice. Should further analysis or explanation of the subject matter be required, please contact the lawyer with whom you normally consult. The invitation to contact is not a solicitation for legal work under the laws of any jurisdiction in which Latham lawyers are not authorized to practice. See our Attorney Advertising and Terms of Use.